Yves Guéna : un mandat ministériel entre tradition et modernité aux PTT

Ministre des Postes et Télécommunications à deux reprises dans la seconde moitié des années 1960, du 7 avril 1967 au 31 mai 1968 dans gouvernement Pompidou, puis du 12 juillet 1968 au 20 juin 1969 dans le gouvernement Couve de Murville, le mandat d’Yves Guéna est entrecoupé par les événements de mai 1968 et sa mise à l’écart, autant temporaire que facilitatrice, pour la négociation des accords de Grenelle et le début de leur application, dans une administration des PTT qui a fortement contribué au blocage du pays.

Succédant à Jacques Marette, jeune ministre des PTT qui initie un dépoussiérage de la branche postale, Yves Guéna survient dans le contexte d’un retard téléphonique devenu pesant pour le pays et qu’il s’agit de rattraper en matière de télécommunications, et de surchauffe de l’activité du courrier en matière postale. Le Ve Plan d’équipement (1965-1970), qui doit enfin concerner les PTT plus massivement, va cependant être plus profitable au téléphone qu’au courrier.

D’un strict point de vue postal, Guéna pilote la réalisation de plusieurs grands principes à l’œuvre au sein de ce « ministère mastodonte » : 3 mds de budget postal, 130 000 « postiers » alors, 18 800 bureaux de poste, 12,5 millions de comptes CNE et 6,8 millions de CCP, imprimant 6 mds de timbres par an, transportant 10 mds d’objets de correspondance, 30 000 véhicules, parcourant 3,6 millions de kms par an.

La déconcentration de grands services du ministère vers la province : les chèques postaux sont concernés avec l’inauguration du centre financier d’Orléans-La-Source afin de soulager Paris (1968) ainsi que le service spécifique qu’est la fabrication du timbre-poste également avec le transfert, habilement politique, de l’imprimerie vers le fief du ministre, à Périgueux (1970).

Le processus de mécanisation technologique dans le traitement du courrier (le mandat de Guéna est en plein cœur du programme « code postal » qui s’étire entre 1965 et 1972) tout comme la réforme dite du courrier en 1969 qui prévoit la scission des flux entre courrier ordinaire et courrier prioritaire afin de mieux écouler le trafic et l’informatisation balbutiante de la gestion des comptes financiers avec l’apparition des premiers ordinateurs et systèmes à bobines. Fêtant leurs fiers 50 ans 1968, les comptes chèques postaux (CCP) connaissent un essor soutenu porté par la reconnaissance du caractère universel du chèque postal depuis 1955.

Ainsi, à la fois continuateur et stratège, Guéna s’avère être un ministre à une époque de transition de la branche postale, entre tradition de main d’œuvre et modernité technologique nécessaire. Le travail de prospective du Groupe de recherche sur l’avenir postal (GRAP, 1965-1969) qui recouvre le mandat du ministre tout en l’irriguant, témoigne aussi de cette propension à regarder alors vers un avenir des (télé)communications, à propos desquelles des réflexions appellent à une réforme des organisations et du financement.

(Sébastien RICHEZ, Comité pour l’histoire de La Poste)

Programme du colloque


Pour aller plus loin sur le sujet…

Nous partager